L'HISTOIRE
DES ENFANTS CACHÉS
Après les rafles de l'été 1942, tant en zone occupée qu'en zone libre, il devient évident pour la plupart des parents juifs, et pour les organisations de sauvetages comme l'OSE, que les enfants seraient plus en sécurité cachés dans des pensions ou des familles non juives.
C’est ce qui s’est passé aussi sur le bassin d’Aiguebelette.
Grâce à des témoignages recueillis auprès de témoins directs retrouvés, ainsi qu’ auprès d’habitants ayant connu cette époque, nous avons pu mettre au jour la présence de nombreux enfants juifs hébergés et cachés sur le territoire à partir de 1942. Les archives conservées à l’OSE à Paris ont permis de compléter notre recherche.
Si nous sommes parvenus à reconstituer, de proche en proche, plusieurs histoires individuelles, pour certains enfants nous n’avons qu’un nom, parfois même qu’un prénom et un lieu de cache.
A ce jour, nous disposons d’une liste de 32 noms d’enfants qui étaient présents sur le territoire et qui ont été, à un moment ou à un autre, cachés et secourus.
Liste des enfants juifs présents sur le secteur, cachés ou secourus,
établie grâce aux recherches de l’association.
Mettre en sécurité ses enfants devient l’obsession de nombreuses familles juives au fur et à mesure que les lois anti-juives se durcissent sur le territoire français à partir de début 1942, particulièrement pour les Juifs étrangers.
Nous avons découvert que dans de nombreux cas, les familles qui avaient réussi à passer en zone libre, plaçaient leurs enfants tout en se logeant eux-même ailleurs. C’était bien sûr parfois une question de place, mais surtout un enjeu de protection.
Toutefois certaines familles ont parfois décidé de s’installer sans se séparer, dans des maisons inhabitées, d’accès peu aisée, et mises à la disposition de villageois.
Deux familles illustrent par exemple ces différents choix : la famille Lewkowitz et la famille Kuperberg.
La famille Lewkowitz dont le père Shmuel est un juif polonais, vit à Valenciennes quand survient la rafle du 11 septembre 1942. Sa femme, Perla, son fils, Michel-Maurice, âgé de deux ans sont arrêtés. Le mari parvient à s'enfuir par le garage qui donne sur une seconde rue arrière et rejoint ses deux autres enfants, Berthe, âgée de 7 ans et Jacques de 5 ans qui avaient été installés, par précaution, chez une amie dans une maison en périphérie de Valenciennes. Munis de faux papiers au nom de Leroi, Shmuel, Berthe et Jacques parviennent à rejoindre la zone libre à Lyon, à l’issue d’un voyage éprouvant ; ils prennent contact avec une organisation de sauvetage qui place les deux enfants chez un modeste couple de paysans de Dullin : Victor et Joséphine Guicherd. Berthe et Jacques resteront chez le couple jusqu'en septembre 1945 où leur père, caché seulement à quelques kilomètres de là à Novalaise, viendra les chercher. Berthe et Jacques ont ainsi mené une vie de petits paysans dullinois pendant 3 ans, fréquentant l'école, l'église et les enfants du village sans jamais être inquiétés. Pour cette action, qui a permis de sauver les enfants, le couple Guicherd a reçu en 1979 le titre de Justes parmi les nations.
Les enfant Lewkowicz et le couple Guicherd ( situés à droite)
Source Association MA 1942
La situation de la famille Kuperberg, juive polonaise, est plus inconfortable. Échappant de peu à la rafle de Dijon de juillet 1942, Anna Kuperberg et sa fille Fanny (10 ans), rejoignent Charles, le mari d'Anna déjà en zone libre et assigné à résidence à Lépin-le-lac. Le petit frère reste à côté de Dijon chez une amie de la famille. Après les retrouvailles près d’Aiguebelette, ils s'installent dans une maison inoccupée à Dullin avec d'autres familles juives, soit 7 adultes et 3 enfants.
Maison du Tilleray - Dullin - Cache de familles juives dont Fanny et ses parents
Source Michel Burstein
Charles échange ses compétences de tailleur contre de la nourriture. A partir de l'automne 1943 (occupation allemande), ces familles vivent dans la crainte des Allemands mais aussi de certains pseudo "maquisards" plus brigands que résistants et qui pratiquent le racket. Fanny racontera plus tard qu'elle a passé plus de temps dans la cave dont la trappe était juste sous le lit de ses parents qu'à l'école du village, mais personne ne les a dénoncés.
Parmi les autres enfants juifs hébergés dans les communes du bassin d'Aiguebelette et de l'Avant-pays savoyard, on peut citer Henri Igla, un jeune homme d'une quinzaine d'années, qui travaillait à la ferme des Bernadieux de Lépin-le-lac entre 1943 et 1945 chez le couple François et Elise Grimonet. Sa sœur était cachée à Pont de Beauvoisin, quant aux parents nous ne savons pas où ils résidaient pendant cette période. L’histoire de Berthe, Fanny, ou encore Henri sont relatées dans la partie consacrée au Chemin de la mémoire.