Le 26 Août 1942 de multiples rafles sont déclenchées dans toute la zone libre : l’objectif du gouvernement de Vichy est de livrer à l’Allemagne nazie 10 000 juifs étrangers.
6 transports en autocar sont organisés sur toute la Savoie, dont le transport n°1 qui doit partir d’Aiguebelette et rejoindre Ruffieux, puis Vénissieux.
A l'aube du 26 août, un car de 40 places, parti de Chambéry dans la nuit, s'arrête à Pont-de-Beauvoisin pour faire monter des gendarmes qui ont reçu une liste de 21 personnes juives à arrêter.
La liste des personnes à arrêter, secteur d’Aiguebelette
(Source : Archives départementales de la Savoie)
Selon les recommandations préfectorales, les personnes arrêtées doivent être “traitées avec humanité et peuvent emporter des bagages, jusqu'à 60 kg par personne”.
Des éléments de langage sont même communiqués pour expliquer quelle est la destination du voyage :
" Ils vont en Pologne: création d'un Etat juif près de Lublin, non maltraités.
On peut leur dire. Soins pour les biens. Tous les enfants doivent partir".
L'autocar arrive et s'arrête à l'entrée du village d'Aiguebelette-le-lac à la maison "les Tilleuls", propriété d'un industriel stéphanois, où sont assignés à résidence un certain nombre de familles. Les gendarmes ont les noms des familles Arom et Rechtszajd sur leur liste.
Matys Rechtszajd croyant que seuls les hommes sont ciblés par cette rafle, parvient à se sauver par une fenêtre donnant sur l’arrière de la maison. La mère de famille, Anna, obéit aux ordres des gendarmes et monte dans le car avec les enfants, Paulette et Maurice, encore endormis.
David et Liba Arom, également sur la liste, sont arrêtés mais ils ont avec eux leur fils Simha âgé de 11 ans, venu les visiter depuis Moissac où il était pris en charge par Les Eclaireurs israélites dans une maison d'enfants. Simha n'est pas sur la liste mais les gendarmes lui demandent de rester dans le car, peut-être veulent-ils combler la défection de Matys Rechtszajd.
Le car s'arrête ensuite à l'hôtel Beauséjour pour prendre d'autres personnes. Les gendarmes s'aperçoivent alors que les enfants Rechtszajd, Paulette et Maurice, ne sont pas sur la liste parce que nés à Anvers, ils sont belges. Anna, leur mère, choisit en quelques secondes de les confier alors à Madame Patat, la patronne de l'hôtel Beauséjour en expliquant qu'elle reviendra les chercher plus tard. Matys, le père, est parti se réfugier à la ferme des Bovagnet à Attignat-Oncin qu'il connaît pour y travailler régulièrement en échange de nourriture.
Profitant du premier arrêt à l'hôtel Beauséjour, Simha Arom s'échappe du car comme son père le lui avait ordonné ; avec un peu d'argent et de nourriture, il court en direction du hameau "le Noyau" et passe le reste de la nuit derrière le grand mur du cimetière.
Les gendarmes vont également chercher la famille Fixler résidant à l'hôtel Beauséjour. Le père, Moïse qui croyait lui aussi que seuls les hommes allaient être inquiétés, réussit à se sauver. Eva, son épouse et ses quatre filles, Hélène (9 ans), Sara (8 ans), Esther (6 ans) et Isabelle (4 ans) montent dans le car.
Hersh Grauman, cloué au lit par un lumbago est prié par les gendarmes de monter dans le car ; sa femme, Bertha, de nationalité belge, n'est pas inquiétée.
Hôtel Beauséjour à Aiguebelette-le-lac
(Source : NC)
Le car s'arrête ensuite à Lépin-le-lac, peut-être à l'hôtel Folliet, pour faire monter Julius Stein et sa fille Eva âgée de 7 ans. Son épouse et leur autre fille échappent à la rafle. A Saint-Alban-de-Montbel, les gendarmes embarquent Hermann Bienes et son épouse Catherine qui sera libérée dans la journée, n'étant pas d'origine juive ; leurs deux enfants, des jumeaux de 15 ans qui figuraient sur la liste, échappent à la rafle.
C'est donc avec 12 passagers que le car arrive en cette fin de nuit au camp de regroupement des GTE de Ruffieux, sur le Rhône, en face de Culoz. Deux jours avant, ce camp avait été vidé de 168 de ses travailleurs juifs, qui avaient été dirigés vers Drancy (camp de transit de la région parisienne avant la déportation pour Auschwitz) .
Au total, ce 26 août 1942, 6 cars ont convergé depuis la Savoie vers le camp de Ruffieux avec 63 passagers. Ils sont redirigés le même jour vers 18 heures sur Vénissieux, dans un camp ancien militaire occupé jusqu’alors par des compagnies de « travailleurs indochinois ».
Ajoutons que le lendemain, le 27 août, les gendarmes arrêtent Emmanuel Weiss, Paul Stein (ou Steiner?), ainsi que Max Appelbaum sur les communes d’Aiguebelette-le-lac et Lépin-le-lac.
27 août 1942. Arrivée à Venissieux des cars de juifs étrangers raflés.
(Source : Fond des Fils et filles des déportés juifs de France)
Facture de location des autocars par la Préfecture
(Sources : Archives départementales de Savoie)